Le chasseur guette sa proie
en faisant des ronds sur le comptoir
s’activant à regarder qui arrive et qui part.
Bonsoir, Au revoir, Bonsoir, Au revoir.

Il a sa place près de la porte
assis sur un grand tabouret
il repère, appâte d’un regard
d’une parole la tendre gazelle.
Va-t-elle se laisser prendre
au piège ?

Celle-là est faible,
trop gentille malgré
les coups qu’elle a endurés.
Celle-ci est zen,
tranquille malgré
les souffrances vécues.

Trouvera-t-il la maîtresse ?
celle qui sera plus froide que lui
celle qui sera plus indifférente que lui
celle qui aura souffert plus que lui
celle qui verra comme lui
le lézard dormant pour l’éternité
au milieu des déserts infestés
de solitude
égayés par les petites bulles
égayés par le petit jaune
nuit d’hallucination
jusqu’au petit matin
perdu dans de profondes réflexions
l’âme en perdition
par nuit de copulation intense
ponctuée par les gémissements
de plaisir.

Plaisir entre les bras
de gazelle égarée.
Plaisir entre les bras
de louve amicale.

Elle parle avec les morts.
Je parle avec la mort.

Quand viendra-t-elle le chercher ?
lui, le chasseur.
Quand viendra-t-elle la chercher ?
elle, l’égarée
Quand viendra t-elle me chercher ?
moi, l’amicale.
La folie n’est pas loin,
tout est si ténu,
tout est si fugace.
La décadence se lit dans nos yeux
comme toutes nos blessures
refermées mais qui saignent encore
à l’intérieur.

Le vent de l’oubli souffle sur nos têtes.
Oublie t-on vraiment ?
Corps tordus par l’extase du moment,
moment de déraison.

Peut-on parler d’extase ?
Extase passagère,
l’espace d’un instant,
d’un bout de nuit
entre les bras du chasseur.

A l’extérieur,
nous sommes des gens sociables,
aimables.
A l’intérieur,
nous sommes des gens torturés,
déchirés.

I howl my reason
I stifle my passions
My heart is dead
I destroy my proud
satisfaction of the primary education needs
abandonment on the hunter’s layer.

Dimanche, je partirais,
je rentrerais chez moi
retrouver mes habitudes
de louve solitaire

Je n’oublierais pas son nom.
Je n’oublierais pas mes instants d’abandon.
Je n’oublierais pas les samedis
passés en sa compagnie.

Mon cœur est mort
pour l’amour et
ma froideur intérieure
est plus tenace
que ma passion extérieure.

Les deux êtres de glace
s’ignorent mutuellement
et tout reprend sa place
inlassablement
indéfiniment
jusqu’au jour ou
l’un d’entre eux
finira peut-être par fondre
à nouveau
face à celui qui aura su capter
face à celle qui aura su capter
l’ultime étincelle de chaleur
qui palpite faiblement
au milieu de cette froideur.

L’indifférence tombera,
se flétrira pour donner naissance
à la dernière passion.

Rien ne le prévoit,
car les âmes fragilisées,
déchirées, déglinguées,
à un fil de la folie
se comportent étrangement,
se sentant en complet
décalage avec l’instant
présent.

La folie qui nous habite
est-elle perceptible ?
Pourquoi nous en inquiéterions-nous ?

Être incompris ne nous dérange pas.
Cultivons ce mystère et
cette sensation d’être à part.
La schizophrénie est à la mode,
alors profitons-en !
Marchons sur les chemins de la vie
avec nos hallucinations,
nos rêveries qui parfois prennent
le pas sur la réalité de nos existences.
Comportement instable
qui dure tout au long d’une vie.
Toujours des envies de partir.
Fuir vers d’autres horizons.
S’agenouiller sur les tombes
des maudits,
ô ! combien grands pour leurs passions.
Tiens, quel calme par ici
aujourd’hui.
Cela repose allègrement des soirées
placées sous le signe de mes amis
prohibés par la soi-disant bonne morale.

Je passe mes week-ends à fuir la réalité,
à m’enfoncer à l’estaminet de Lucas.
Buvant encore et encore.
Rêvant encore et encore.
Parfois repliée à l’intérieur de ma tête,
parfois écoutant tant de propos
qui s’écoulent à travers mes neurones,
tranquillement,
finissant mes soirées vautrées
chez le chasseur.

Ce loup solitaire au cœur d’acier
replié dans sa tanière lorsque
le jour apparaît
ou alors partant travailler
alors que l’aurore n’a pas encore
montré ses couleurs.

Je crie ma douleur
mon désespoir
mes nuits noires
ma folie
mon ecstasy
ma déprime qui fout le camp
au petit matin.
Je crie ma raison
j’hurle ma déraison
louve solitaire
sans passion
je regarde au loin
je ne vois plus rien
jour après jour
je me maintiens
sur mes deux pieds
en vie, toujours en vie
putain de vie
qui s’accroche à ma tête
mes amours de passage
je voudrais vous oublier
mais je me rappelle de chacun
d’entre vous
nous nous ressemblons parfois
étrangement
nous sommes des étrangers
bout de discussion sur nos vies
quelles vies, merde !
y aurait-il autant de désespoir
de blessures béantes
ouvertes sur la douleur
la souffrance de ce putain d’amour
à la con qui nous a détruit.

Destruction de nos beaux sentiments.
On ne nous le refera plus le coup
du « Je t’aime à la vie ».
On se mure derrière des barricades
infernales que nul ne peut écrouler.
A l’abri de toute passion.
A l’abri de toute raison.
Rien ne nous fera changer d’avis
Elle :  » tous les mêmes !  »
Lui :  » toutes les mêmes !  »
Sommes-nous détruis
à ce point-là !

Et puis, elle se dit :
« Mais, mais je ne suis pas comme toutes les autres »

Et puis, il se dit :
« Mais, mais je ne suis pas comme tous les autres »

Ouh la, la. Les flashs back de la déraison
qui reviennent en force quand ça va mal
parce qu’il a eu le malheur de prononcer
parce qu’elle a eu le malheur de prononcer
la phrase qu’il ne fallait pas,
de faire une action
qu’il ne fallait pas.
Et paf ! La barricade
qui commençait à s’affaisser
se remonte d’un coup.

Il ne m’aura pas.
Elle ne m’aura pas.

Et clac ! tout est à refaire
et parfois c’est foutu
on ne revient plus
sur ce qui aurait pu être
une belle histoire
ça se termine sur une aventure
une de plus à ajouter au répertoire.

Alors, chez certains,
Alors, chez certaines,
la froideur reprend sa place
avec encore plus de force.
et chez les autres
ils se sentent encore plus mal
elles se sentent encore plus mal
je suis con,
Je suis conne,
je me suis fait avoir une fois de plus
je me suis faite avoir une fois de plus.

Le chasseur revient à sa place
près de la porte
recommence son inlassable
repérage.
Loup solitaire au regard
hypnotique
A t-il perçu la froideur
et l’indifférence de la gazelle
aux sombres yeux ?
Le jour décline pour faire place
à la nuit magnétique
La chasse a commencé
et moi, la louve amicale
j’observe la tactique
du chasseur solitaire.

Pour l’égarée qu’elle est
le chasseur lui est devenu étranger
Elle l’a salué avec raideur
et son regard s’est tourné
vers l’ailleurs.

Son indifférence
ne l’atteins pas
Il peut se passer d’elle
sans regret, ni remord.

Peut lui importe
La solitude qui l’accompagne
est sa seule raison d’être.
Le silence est son allié.
De temps à autre,
une gazelle qui passe
lui fait relever la tête
puis son regard se perd
dans le petit jaune
qu’il tient d’une main
l’autre tient la rouge cigarette
qui essaiera de lui faire oublier
l’inoubliable.

Ce soir, le chasseur est fatigué
alors quittant son tabouret
et saluant la compagnie
rentre chez lui
retrouver le Norman
fidèle compagnon
qui garde sa tanière
de solitaire.

Suivant les discours entendus, entre réalité et utopie. For Manu.

Septembre 2002